+
Captivant, psychologique, frisson garanti.
- Longueur,
manque d’action, provoque des insomnies.
Ma rencontre avec Jessie
En été, maman avait pour habitude de bouquiner dans sa chaise longue. Elle a très certainement joué un rôle clé dans la naissance de mon plaisir de lire. Mes premières lectures hors scolarité ont pourtant relevées de punitions. En effet, j'ai été contrainte et forcée de lire Maudits Sauvages de Clavel ou encore la Maison de Claudine de Colette pour n'avoir pas respecté je ne sais plus laquelle des consignes de Dieu ma mère. Pleurnichant, je lisais péniblement dans sa chaise à bascule pendant qu'elle regardait la télé de son lit. Après chaque session d'une heure ou deux, je devais lui faire un résumé.
Encore
aujourd'hui, j'ignore pourquoi elle me punissait de la sorte et
surtout comment cela a pu contribuer au développement de mon plaisir
de lire. Peut-être est-ce mon esprit vengeur d'adolescente qui m'a
conduite à sélectionner les livres de sa bibliothèque sans avoir à
me voir imposer les titres.
Quoi
qu'il en soit, l'été 99, mon choix s'est arrêté sur Stephen King.
Ma connaissance de l’auteur se limitait à savoir qu'il écrivait
des histoires à vous donner la chair de poule. À 15 ans, j'étais
portée sur tout ce qui me glaçait l'échine - va savoir
pourquoi. La couverture de Jessie n'a par conséquent pas manqué
d'attirer mon attention.
Lecture
Le
livre sous le bras, je quittais le domicile et me dirigeais vers un
champ de maïs de Clavier Station derrière la cité. C'est là que
je retrouvais Stephen King. J'aimais ces rendez-vous intimes avec
Jessie, à huis-clos. À l'abri d'une interruption éventuelle, je
dévorais l'ouvrage à la manière dont la protagoniste se voyait
dévorée d'angoisse.
Un jeu sexuel tourne mal et voilà Jessie menottée au lit d’une villa isolée du monde, le cadavre de son mari à ses côtés. La trame est construite autour de l’oppressante introspection de l’héroïne. Assaillie de pensées plus sordides les unes que les autres, Jessie frôle la folie et se demande bien si elle va pouvoir se libérer un jour.
J'ai
partagé son calvaire insoutenable lorsqu’elle s’essaye à
se déboîter le pouce afin de délivrer sa main. Ma
bouche a ressenti la sécheresse de la sienne lorsqu'elle tente
désespérément d'atteindre ce fichu verre d'eau sur la
table de nuit, pourtant bel et bien hors de portée. Le lecteur vibre
au diapason de Jessie. Parfois, le malaise devenait tel que je devais
interrompre ma lecture pour la digérer avant de la reprendre le
lendemain. Je me souviens d’avoir lu certains passages funestes en
tentant de détourner mon regard du livre avec de grands « argn »,
« ouch », « iiiii », « brrr »… Bref,
j’ai bien accroché !
Toutefois,
à la lecture de différents forums, il s’avère que Jessie n’est
pas la lecture préférée des amateurs de Stephen King. Ils y voient
notamment un rythme trop lent marqué par peu d’actions et de trop
nombreuses descriptions. Personnellement, le suspens fort m’a tenu
en haleine jusqu’à la fin. Les détails m’ont quant à eux
menottée à ce lit et la qualité de la psychologie du personnage
m’a enchaînée à sa terreur.
Il
est des livres qui vous marquent à jamais et Jessie en est pour moi.
Je ne suis pas prête d’oublier cette rencontre avec le maître de
l’épouvante, King, que je vous relate 15 ans après d’ailleurs...