samedi 11 janvier 2014

" Le bizarre incident du chien pendant la nuit " de Mark Haddon






 2005, 345 pages, Pocket, traduit par Odile Demange.



Touchant, insolite, amusant, authentique.

Ma rencontre avec l'ouvrage

Ce roman m'a été offert à Noël par la tante de mon compagnon, une femme pour qui j'éprouve beaucoup de sympathie. Je l'ai donc mis au-dessus de ma pile de lectures en ne m'attendant qu'à une bonne surprise au risque d'être déçue...


Lecture
Au fil des pages, on découvre la psychologie touchante d'un garçon souffrant de troubles du comportement. Chacun de nous peut s’identifier, du moins en partie, au jeune Christopher

J'ai beaucoup aimé regardé Rain Man ou plus récemment Sam, je suis Sam. Or, ni le film de Barry Levinson, ni celui de Jessie Nelson ne m'a permis de pénétrer l'esprit d'un autiste. Par contre, ce fût le cas lors de cette lecture. 

Pour éviter de perdre pieds face au chaos extérieur, Christopher a édicté ses propres règles en toute conscience. Il se lance dans une enquête suite à la découverte du cadavre du caniche de sa voisine. Le récit comporte de nombreuses digressions qui illustrent les préceptes qui le guident et reflètent le fonctionnement du jeune garçon. Le jaune et le brun l’irritent profondément, alors que le rouge et les mathématiques le rassurent. L'adolescent de « quinze ans, trois mois et deux jours » aime aussi les nombres premiers dont il dit qu’ils ressemblent à la vie : logiques, mais il est impossible d'en trouver les règles.

Je suis moi-même passé par une pénible période de trouble-panique, faite de crises d'angoisses quotidiennes. Je me rappelle fort bien de toutes les petites choses que j'ai mis en place pour me protéger: se balader toujours dans des lieux connus, éviter la foule et les endroits clos. Mon sac ne devait jamais manqué d'une grande bouteille d'eau, de morceaux de sucre, d'huile essentielle de lavande, d'un sachet en papier pour respirer et me calmer en cas de crise,  et inévitablement de l'ultime bouée de secours, les anxiolytiques. S'ancrer en soi, se recroqueviller de l'intérieur pour se protéger. Craquer et faire une crise en public car les frontières ont été franchies malgré soi. Je connais toutes ces choses... C'est sans doute pour cette raison que Christopher m'a tant touchée. 

Il est important de souligner que l'auteur regrette le terme choisi par l'éditeur sur la couverture originale: Syndrome d'Asperger, une forme d'autisme. Ce n'était pas son objectif. Il rappelle sur son site internet qu'il ne s'agit pas ici de l'histoire d'un autiste, mais d'un individu souffrant de troubles comportementaux. Haddon conseille aux lecteurs en quête de comprendre le syndrome d'Asperger de lire des ouvrages écrits par des autistes car lui-même n'en sait que trop peu sur le sujet. Je vais donc ajouter la quête de ce type d'ouvrage à ma to-do liste. 

Quoi qu'il en soit, ce roman est une belle leçon sur la différence. Mark Haddon nous offre une vision du monde surprenante et révélatrice. Il nous enseigne aussi le courage que certains doivent déployer pour poser des actes qui somme toute sont communs pour la plupart d'entre nous.

J'ai aussi beaucoup apprécié les raisonnements du jeune garçon. Ils frappent parfois tant ils sont criants de vérité. On se demande dés lors qui est le plus déconcertant de nous ou lui. J’ai aimé sa façon de lire la réalité, sans s’alambiquer l’esprit. Une lecture de la vie simple, codifiée et qui tombe sous le sens

Le côté rudimentaire de la forme du discours et les illustrations auraient pu devenir lassants. Mais c'est loin d'être le cas tant le récit est vivant. Les pages filent à toute allure. Présentation simple et tendre d’un sujet difficile. 


Extraits

[...] Le cinquième jour c'était un dimanche. Il a plu à verse. j'aime bien quand il pleut à verse. On dirait qu'il y a du bruit blanc partout ; c'est comme le silence, mais ce n'est pas vide. [...] 

[...] Le policier a dit : "Il va bien falloir que tu me racontes..." Je me suis roulé en boule sur la pelouse, j'ai mis mon front par terre et j'ai fait le bruit que Père appelle grogner. Je fais ça quand ma tête reçoit trop d'informations du monde extérieur. C'est comme quand on est inquiet, qu'on tient la radio contre son oreille et qu'on la règle à mi-chemin entre deux stations de manière à ne capter que du bruit blanc; alors on met le volume à fond pour couvrir tout le reste et on sait qu'on est en sécurité parce qu'on n'entend rien d'autre. Le policier m'a pris par le bras et m'a relevé.Ca ne m'a pas plu, qu'il me touche comme ça. Alors je l'ai frappé. [...] 

[...] J'ai décidé de découvrir qui avait tué Wellington. Père m'avait dit de ne pas m'occuper des affaires des autres, mais je ne fais pas toujours ce qu'on me dit, parce que, quand les gens vous disent ce que vous devez faire, c'est généralement déconcertant et ça n'a pas de sens.Par exemple, ils disent souvent "Tais-toi", mais ils ne vous disent pas pendant combien de temps. (...)En plus, les gens désobéissent tout le temps aux règles. Par exemple, Père roule souvent à plus de 50km/h dans une zone limitée à 50km/h.(...) Et dans la Bible, il est dit "Tu ne tueras point", mais il y a eu les croisades, deux guerres mondiales et la guerre du Golfe et, dans toutes ces guerres, des chrétiens ont tué des gens.Par exemple, ils disent souvent "Tais-toi", mais ils ne vous disent pas pendant combien de temps. (...)En plus, les gens désobéissent tout le temps aux règles. Par exemple, Père roule souvent à plus de 50km/h dans une zone limitée à 50km/h.(...) Et dans la Bible, il est dit "Tu ne tueras point", mais il y a eu les croisades, deux guerres mondiales et la guerre du Golfe et, dans toutes ces guerres, des chrétiens ont tué des gens. [...] 

[...] Mme Forbes dit que c'est bête de détester le jaune et le brun. Et Siobhan dit qu'elle ne devrait pas dire des choses comme ça, parce que tout le monde a ses couleurs préférées. Siobhan a raison. Mais Mme Forbes a un peu raison aussi. Parce que c'est un peu bête.Mais dans la vie, il faut prendre plein de décisions et si on ne le faisait pas, on ne ferait jamais rien parce qu'on passerait tout son temps à devoir choisir entre toutes les choses qu'on pourrait faire.Alors, c'est bien d'avoir une raison de détester certaines choses et d'en aimer d'autres. C'est comme au restaurant (...) on regarde le menu et il faut choisir ce qu'on a envie de manger. Mais on ne sait pas si on va aimer ça parce qu'on n'y a jamais goûté, alors on a des plats préférés et on choisit ceux-là.On ne mange pas ce qu'on n'aime pas et on ne le choisit pas, comme ça c'est simple. [...]


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